Un monde s'effondre

Publié le par doc-en-stock

 

Partir ! Voyager ! L'aventure, l'exotisme, les rencontres, les lieux, les cultures, les amitiés nouvelles ! Tout, absolument tout, exerce une attraction irrésistible vers ce but, cet objectif en soi: découvrir. Faire le pas, ce petit pas en plus qui vous mène un peu plus loin, pas tellement plus loin, mais quand même. Et puis une fois ce pas franchi, il est tellement facile de lui enchaîner un deuxième pas. Car après tout, la marche n'est rien d'autre qu'un état de déséquilibre constant qui vous pousse en avant. Alors !!!!! Allons y !

 

Oui ! Allons y !

 

 

Oui, mais...

 

Mais le reste ?

 

Quel reste ?

 

Mais le reste !

 

Ce que vous laissez sur place, « derrière vous », et surtout ceux que vous laissez derrière vous. Certains irrémédiablement seront relégués bien vite au rang de souvenir, rencontres de passage d'un séjour trop bref à un point donné de cette ligne de vie que vous étirez avec vous. Mais d'autres... D'autres restent avec la promesse du retour. Ces autres, cette autre, n'est pas là, à côté de vous dans vos voyages, pas dans tous, pas tout de suite. Commence alors ce particularisme qu'on appelle RLD : « Relation Longue Distance ». Par les moyens mis à votre disposition, vous faites votre possible pour entretenir la flamme, le feu ardent de la passion. Avec crainte, vous voyez le feu faiblir mais il reste les braises incandescentes de l'amour, l'amour vrai, qui persistent à rougeoyer dans le foyer de vos cœurs respectifs. Mais même des braises, vous devez les entretenir. Il faut souffler dessus pour qu'elles continuent à réchauffer l'âme de deux personnes séparées par les kilomètres et les jours. La distance est constante alors que le temps est un compte à rebours. Tenir les braises jusqu'au retour, à tout prix, pour raviver d'une belle bûche une histoire non moins belle si on en juge la volonté partagée de pouvoir la poursuivre. Mais le temps s'égrène, inexorable. Et ce fourbe arrive à étouffer ce foyer finalement encore trop fragile, beaucoup plus qu'on ne le pensait, beaucoup plus qu'on ne le craignait.

 

 

Voyager, c'est super ! Ce n'est pas facile pour autant. Cela implique des sacrifices, des choix de part et d'autre.

 

Deux médecins qui m'ont toujours inspirés quand j'étais enfant sont Adam Bricker et Léonard "Bones" McCoy. Si, si vous les connaissez, ce sont les médecins de « La croisière s'amuse » et de « Star Trek ». Deux aventuriers dans leur genre, deux voyageurs, deux passionnés qui pratiquent une médecine de façon atypique. Deux solitaires aussi. Le premier est  multi-divorcé, le second n'a jamais d'aventure attribuée. Quand on est enfant, on s'accommode facilement de leur statut car de toute façon, on ne voit pas grand intérêt à la chose. C'est en grandissant, en vieillissant, en voyageant, qu'on prend pleine conscience de la force de leur choix et des implications sur leur vie privée. Car vie de famille et vie itinérante n'est pas toujours très simple à conjuguer. J'ai évidemment pour me contredire des tas de bons exemples d'amis qui voyagent de dispensaires en dispensaires en famille. Il faut leur reconnaître l'avantage d'être des couples médecin-infirmier, et là où il y a du travail pour l'un, il y a souvent du travail pour l'autre. Ce n'est pas forcément le cas pour certaines professions qui se marient assez mal.

 

Alors une autre entité peut mourir, c'est l'espoir. Le temps, encore lui, acharné, aide l'esprit à se faire des constructions mentales sur les différents avenirs possibles qu'on peut imaginer en attendant le retour de l'autre. On trace son « arbre des possibles » avec une branche pour chaque hypothèse qui nait dans le coin de son esprit. Mais chaque branche a une fin, inévitable. Et si certaines branches promettent le meilleur, comment les retrouver dans l'arbre de plus en plus touffu de branches pessimistes qui racontent des lendemains qui pleurent . Impossible à tailler, ces branches prennent le dessus. L'espoir est écrasé, ne reste que le pire, alors pourquoi continuer ? Reste ce saule pleureur annonciateur de malheur.

 

 

Le drame est écrit, il ne reste plus qu'à le jouer.

 

Coup de tonnerre ! Apocalypse ! Un monde s'effondre ! Vu de l'extérieur, rien. C'est à l'intérieur que le rideau est levé. Comme anesthésié, comme un KO debout, comme une brûlure sourde et constante au creux du ventre, comme une rage emprisonnée qui n'arrive pas à remonter des tripes et qui tourne en boucle sans trouver comme ressortir, comme une mélancolie glacée qui noie le cerveau hagard, tout se mélange. Et pourtant, le corps remplit ses fonctions à merveille. À l'extérieur, tout est réflexe et automatisme, calme, trop calme. Le regard ne se pose sur rien. Il glisse. La parole est fluide pour autrui, sans intonation, neutre. Le geste est posé, précis, professionnel. « The show must go on » et dans le cas présent , les consultations continuent.

 

«  le cœur est un muscle strié! » : question facile d'anatomie . Je préférerais qu'il soit lisse, que rien ne puisse l'accrocher, ni l'écorcher, ni le déchirer.

 

 

 

 

Kerguelen est une aventure merveilleuse. Incontestablement. Et pourtant je déconseille vivement à quiconque de partir un an au bout du monde en laissant derrière soi un être aimé. C'est me semble-t-il une mauvaise idée. Pourtant certains tiennent. Sachez le, c'est risqué ! Nombreux sont les couples qui s'y sont brisés.

 

 

Je m'étais mis une limite de trois mois.

 

 

Avec le temps additionnel, je ferais en tout trois mois et quinze jours en Guyane. À ce jour, j'en ai fait trois moins un jour.

 

J'ai surestimé la limite d'un jour...

 

 

Aujourd'hui, mon monde s'effondre !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
<br /> ca va mon grand?<br /> <br /> ecris si tu veux...<br /> <br /> a bientot<br /> <br /> <br />
Répondre